Les tourbières stockent naturellement de grandes quantités de carbone dans leurs sols
Les tourbières, milieux naturels humides, possèdent des sols particuliers constitués d’une accumulation de végétaux non décomposés (photo 2) dans un milieu saturé en eau. En s’accumulant depuis le début de la formation des tourbières (soit plusieurs milliers d’années), cette matière organique constitue désormais d’importants stocks de carbone emmagasinés dans les sols tourbeux. C’est pour cette raison qu’1 hectare de tourbière stocke entre 500 et 700 tonnes de carbone, pour chaque mètre de tourbe accumulé (Pinault et al., 2023). Il s’agit des écosystèmes possédant la plus forte densité de carbone et ce dernier est stocké à très long terme, si le sol reste saturé en eau.
Les tourbières dégradées sont d’importantes sources de CO2
Malheureusement, les tourbières ont historiquement été drainées et exploitées, dans une perspective de valorisation économique. L’assèchement de la tourbe provoque la dégradation de la matière organique accumulée dans le sol (minéralisation). Ce processus, non réversible, s’accompagne d’émissions de carbone dans l’atmosphère. Aujourd’hui, de nombreuses tourbières dont le fonctionnement hydraulique a été perturbé continuent d’émettre du carbone dans l’atmosphère et voient leur biodiversité disparaitre. On estime ainsi que l’assèchement d’un seul hectare de tourbière provoque des émissions de gaz à effet de serre (GES) pouvant atteindre 20 à 30 t CO2eq par an. C’est l’ordre de grandeur des émissions de GES d’un ménage français sur la même période.
Un processus en partie réversible grâce à la restauration hydraulique
Pour restaurer le fonctionnement naturel de la tourbière et préserver les espèces qui y sont liées, il faut donc restaurer le circuit naturel de l’eau dans ces milieux. C’est ce que l’on nomme la restauration hydraulique.
La méthode vise à restaurer les tourbières dégradées en retrouvant une circulation des eaux plus proche de la dynamique naturelle, et en favorisant au maximum la rétention de cette eau dans le sol tourbeux. Ainsi, les drains, s’ils existent, doivent être bouchés (photo 1), les fossés comblés, et les alimentations hydrauliques restaurées (photo 2). Lorsque la tourbière retrouve une saturation quasi permanente en eau grâce à ces travaux de génie écologique, le processus de minéralisation est stoppé et les émissions de CO2 vers l’atmosphère cessent. A plus long terme, et dans des conditions optimales, les tourbières restaurées pourraient à nouveau stocker du CO2 atmosphérique et redevenir des puits de carbone comme les tourbières naturelles. De beaux exemples de restauration sont déjà à mettre en avant[1].
[1] Court documentaire sur la restauration de tourbières jurassiennes :
Toutefois, bien que le processus de dégradation soit en partie réversible, les tourbières intactes demeurent plus efficaces du point de vue climatique et de la biodiversité, leur protection doit donc être un enjeu prioritaire.
Vers une valorisation économique des réductions d’émissions de CO2 des tourbières restaurées
Depuis 2019, dans le cadre de sa politique de neutralité carbone à l’horizon 2050, le gouvernement français a mis en place le dispositif de « label bas carbone » qui permet la valorisation de réductions d’émissions de GES sur le marché carbone volontaire français. Le Pôle-relais tourbières travaille au développement d’une méthode permettant la quantification des réductions d’émissions obtenues grâce à la restauration hydraulique des tourbières dégradées. L’objectif principal est de financer tout ou partie des travaux de génie écologique grâce à la vente de ces réductions d’émission de CO2. Précisons que la vente de ces réductions d’émissions est destinée aux entreprises et collectivités qui ne possèdent pas d’obligations réglementaires de compensation carbone. Il s’agit bien, pour ces entités, de financer des projets vertueux pour le climat (et la biodiversité dans le cas présent) dans une logique d’additionnalité environnementale.